Pouvez-vous vous présenter vous, votre métier et ce que vous faites au quotidien ?
Je m’appelle Roncher Apolline, je suis historienne et géographe en migration et spécialiste des questions migratoires. J’ai une double licence et un master en migration internationale, ce qu’on appelle ingénieur en migration ou migratologue. Personnellement j’ai travaillé sur la crise de l’accueil, la crise de l’hospitalité des personnes migrantes à l’échelle du territoire grenoblois en comparaison avec tout ce qui se faisait ailleurs en France et en Europe. Je suis actuellement en mission à la CIMADE, c’est une association qui a été créée en septembre 1939, donc juste au début de la guerre pour répondre aux problématiques des déplacés. La CIMADE c’est le Comité Inter-Mouvements Auprès Des Évacués. On est réputés à l’échelle nationale mais on agit aussi sur des questions internationales du fait du positionnement de la France à Mayotte etc. sur toute la question de l’accompagnement administratif et juridique des personnes migrantes. On a des permanences juridiques à Grenoble et un peu partout en France. Moi je m’occupe principalement des demandeurs d’asile, des demandeurs de titres de séjour et des mineurs non reconnus mineurs par le département. En parallèle de ça, on mène aussi des actions de sensibilisation pour justement déconstruire tout ce qui se joue autour de la question des migrants, pour déconstruire les préjugés et la désinformation qui circule.
C’est donc pour cela que vous êtes là aujourd’hui, pour faire de la prévention et parler de votre métier dans ce comité HCR ?
Oui c’est ça. Alors moi je n’ai pas eu un parcours très standard : c’est à dire que j’étais prédestinée à faire de la recherche et puis finalement au vue des stages, j’ai préféré le terrain, travailler avec les personnes migrantes. Je ne suis pas juriste de formation même si j’exerce un métier de juriste je connais très bien le droit du fait des permanences juridiques. J’ai donc été contactée par Liselot Pascouau qui m’a gentiment invitée pour avoir cette double casquette : ingénieur en migrations et juriste au sein de la CIMADE. L’idée c’était de partir des deux questions, sur les pays de transit et sur l’accueil environnemental des réfugiés, des migrants environnementaux et voir comment on peut répondre à ces questions, comment on peut réfléchir ensemble à des solutions communes à faire remonter plus haut.Bien qu’à notre niveau, on peut déjà faire des choses.
Concrètement, qu’est ce que vous faites tous les jours, quelle est votre mission ?
De par mon métier et mes études, je lis beaucoup et je déconstruis beaucoup de choses notamment autour de l’immigration. Le plus gros de mon travail, ce sont les permanences juridiques qui se tiennent deux fois par semaine pour les majeurs et deux fois par semaine pour les mineurs. J’accompagne ces deux publics dans leurs démarches administratives. Chaque cas à sa spécificité : on ne travaille pas avec des dossiers mais avec des personnes ; c’est ce que je répète souvent. Nous ce que l’on observe c’est que la condition des personnes migrantes se dégrade d’année en année et ça ne va pas s’arranger. Je ne sais pas si vous êtes au courant de l’actualité, le projet de loi “asile et immigration” de M Darmanin a été présenté au conseil des ministres le 1er février. La défenseur des droits de l’homme a publié très récemment qu’elle était inquiète à propos de ce projet de loi qui va durement restreindre l’accès aux droits à la fois des demandeurs de titres de séjour et à la fois des demandeurs d’asile. Ce sont donc des mesures très restrictives, on parle d’un droit d’asile en péril. A la CNDA, on passe d’une formation collégiale où le demandeur d’asile explique sa situation pour demander protection à un juge unique qui aurait autorité pour statuer sur la demande de protection. Cela peut être très dangereux si la personne ne sait pas ce qui se passe en République Démocratie du Congo, au Bangladesh, en Afghanistan, même s’ il y a peu de chances.
Une dernière question, qu’est ce que vous pensez du MFGNU ?
Je trouve ça super que se soit mis entre les mains de lycéens. Je n’ai pas eu la chance d’étudier dans un établissement comme le votre mais j’aurais bien aimé. Donc profitez en, moi je trouve ça super, ça permet aux membres de la société civile et notamment aux plus jeunes de se saisir de questions qui sont importantes qui sont de grandes questions de société. Ce n’est pas facile de régler ces questions à notre niveau parce qu’elle sont complexes, ça relève de la dimension internationale et c’est compliqué de réunir des pays qui ont des intérêts divergents, des intérêts de souveraineté nationale à réfléchir à des questions qui les dépassent, qui dépassent un peu plus les contours que les frontières. J’ai été vraiment ravie, et j’espère être un jour réinvitée, d’intervenir sur ces deux questions là. Voyez le aussi comme une chance de prendre part à quelque chose qui est déjà problématique depuis plusieurs années et qui va encore l’être dans le futur et déjà actuellement au vue de ce qui se passe dans le monde. Je suis persuadée que la France et les français qui ont beaucoup émigrés ne sont pas sur un siège qui n’est pas éjectable et rien ne pourra prédire que ce ne sera pas nous dans quelques années, dans quelques décennies, dans quelques siècle qui ne seront pas à la place de ceux qui se déplacent actuellement.
Amandine Parent